Le vin: ruée vers l’or rouge

Le vin : ruée vers l’or rouge

 

L’expertise française en matière viticole suscite depuis plus de trente ans l’engouement des grandes fortunes mondiales qui s’offrent les plus beaux domaines français à coup de dizaines, voire de centaines de millions d’euros. Une fièvre pour l’or rouge qui débute dans les années 1990 lorsque François Pinault et Bernard Arnault se livrent à une première passe d’armes sur les terres bordelaises en devenant respectivement propriétaires de Château Latour pour le premier et de Château d’Yquem et du Cheval Blanc pour le second.  

Les grands investisseurs à l’offensive

Depuis 2012, l’offensive est lancée sur les terres bourguignonnes avec l’arrivée d’investisseurs étrangers. Tout débute cette année-là avec l’achat de deux hectares de Gevrey-Chambertin pour la somme de 8 millions d’euros par Louis Ng Chi Sing, magnat des casinos de Macao. En 2014, c’est au tour de LVMH, d’acquérir les 8 hectares du Domaine Clos des Lambrays, l’un des plus vieux domaines de Bourgogne, pour 100 millions d’euros. Tandis qu’en 2017 l’américain et propriétaire d’Arsenal, Stanley Kroenke, met la main sur les 11 hectares du domaine Bonneau du Martray, près de Beaune, pour la même somme.

Une frénésie qui ne semble plus avoir de limites lorsque quelques mois plus tard François Pinault, via sa holding Artemis, créer la surprise en remportant la mise face à Bernard Arnault, la Maison Roederer et aux investisseurs chinois en faisant l’acquisition du Clos de Tart pour la somme incroyable de 250 millions d’euros ! Ironie de l’histoire : son nouveau domaine se retrouve séparé de celui de Bernard Arnault par un simple muret. Rappelons que le patron français avait déjà prouvé en 1993 que le prix importe peu lorsqu’il s’agit d’excellence : le Château Latour acquis à l’époque pour 100 millions d’euros… En vaudrait dix fois plus aujourd’hui.  Une vision sur le long terme que le patron français justifie par le fait que “dans 20 ans les gens n’auront peut-être plus d’iPhone, mais ils boiront toujours du Dom Pérignon.”

Les deux grands groupes poursuivent encore leur développement au sein de notre patrimoine vinicole. En février 2019 le groupe LVMH annonce la création d’une entité dédiée aux “vins d’exceptions” dont la présidence est assurée par Bernard Arnault en personne. Cette nouvelle organisation, qui regroupe les vingt-six maisons au chiffre d’affaires annuel de 5 milliards d’euros, vise à structurer l’offre en vin haute de gamme et permettre ainsi de nouvelles acquisitions. Ce qui est chose faite en décembre 2019 avec l’entrée au sein du groupe du Château d’Esclans, un rosé de Provence haut de gamme qui, grâce à ses 260 hectares et ses 10 millions de bouteilles par an, va pouvoir répondre à la demande croissante pour ce type de vin.

Les petits producteurs en danger

Ce mouvement d’acquisition suscite un sentiment mitigé au sein de la communauté viticole. Le discours des acquéreurs se veut certes rassurant : Louis Ng Sing met en avant sa passion pour le vin et son rôle d’ambassadeur auprès de la clientèle asiatique et il faut admettre que ces riches acquéreurs restaurent et conservent notre patrimoine en le faisant rayonner à travers le monde. Mais la flambée des prix de l’hectare met les petits producteurs dans l’embarras lorsqu’il s’agit de transmettre leur patrimoine foncier dont la valorisation ne leur permet ni de pouvoir racheter les parts aux autres héritiers ni même de régler l’impôt sur les successions. Se retrouvant ainsi dans l’obligation de revendre, la mort dans l’âme, le domaine familial aux grands groupes. Ce phénomène provoque notamment en Champagne une disparition progressive des propriétés de taille moyenne au profit des exploitations de grande taille. Ainsi entre 2006 et 2016 le nombre d’exploitations champenoises de 1 à 5 hectares est passé de 5 200 à 4 900, tandis que celles dont la superficie dépasse les 5 hectares ont progressé de 1 600 à 1 800.

Pour ceux auxquels il manquerait quelques centaines de millions pour pouvoir s’offrir le domaine de leur rêve, sachez qu’il existe aujourd’hui la possibilité d’investir dans la vigne via des Groupements Fonciers Viticoles (GFV) qui permettent de devenir copropriétaire d’une parcelle de vignes et d’en toucher les dividendes soit en nature (en recevant les bouteilles chez vous), soit en numéraire.

 

Photo de M. Benoit Coffin

Benoît Coffin

Ouvrage de Benoit Coffin aux éditions Arnaud Franel :
Le marché de l’Art

 

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Benoit Coffin
Issu de l’Université de Zürich avec un Master en Marché de l’Art et titulaire d’un Master en gestion, Benoît Coffin met à profit sa double spécialisation depuis plus de dix ans en évoluant au sein de maisons de ventes internationales et de sociétés du secteur de la gestion d’actifs.

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