Création d’un nouveau mandat de protection future pour les animaux domestiques

Création d’un nouveau mandat de protection future pour les animaux domestiques

La proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale, actuellement en discussion au Parlement, devrait renforcer les mesures de protection des animaux domestiques et de leurs propriétaires.

Intéressons-nous à une mesure particulière proposée par ce texte : mesure à la croisée du droit « animal » et du droit « humain ».

Le droit actuel

Rappelons tout d’abord la qualification hybride des animaux en droit français.

Pendant longtemps un animal était considéré, d’un point de vue juridique, comme un simple bien meuble.

Heureusement, depuis 2015, les animaux (qu’ils soient de compagnie, d’élevage, de ferme ou sauvage) sont considérés civilement comme « des êtres vivants doués de sensibilité[1] ». Il est toutefois immédiatement précisé que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens »[2].

Depuis le 16 février 2015, les animaux ne sont donc plus des biens, mais restent soumis au régime des biens.

Et malgré cette heureuse évolution, un animal n’a toujours pas de personnalité juridique propre.

Les difficultés rencontrées en cas de décès du maître d’un animal

Ce statut hybride peut poser certaines difficultés juridiques, notamment en cas de décès du propriétaire et du souhait de ce dernier d’assurer une protection de son animal.

En effet, en l’absence de personnalité juridique, il n’est pas possible de « léguer » des actifs à son animal de compagnie dans le but, par exemple, de lui laisser une certaine richesse pour couvrir ses soins ou ses aliments, voire même lui assurer un logement.

En outre, dans la mesure où il est soumis à la loi des biens, un animal, comme tout autre bien meuble, fera partie du patrimoine successoral de son maître en cas de décès de ce dernier, et sera donc soumis aux règles successorales classiques ainsi qu’à ses difficultés éventuelles (risques en cas de mésententes entre les héritiers, gestion de l’indivision, succession vacantes…).

Face à ces difficultés, la pratique a imaginé des « parades » permettant à un maître de prévoir la protection de son animal après son propre décès. Par exemple, certains praticiens préconisent la mise en place d’un legs au profit d’une personne « à charge de » s’occuper de l’animal en question, ou la mise en place d’un contrat de fiducie.

Mais ces techniques sont en général imparfaites (le legs avec charge s’expose par exemple au risque de refus du légataire et peut être fiscalement inadapté, notamment lorsque cette personne n’est pas un membre de la famille et est donc taxée à 60%) ou lourde juridiquement.

Des mesures de protection supplémentaires en cours de discussion

La « proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale » propose de créer un nouvel outil juridique permettant d’assurer la protection des animaux domestiques.

Ce nouvel outil juridique serait calqué sur le mandat de protection future pour les hommes, qui existe déjà pour soi-même[3] ou pour autrui[4].

Serait ainsi créé un « mandat de protection future pour animal ».

Celui-ci permettrait à tout propriétaire[5] de désigner, par acte notarié ou sous seing-privé, une ou plusieurs personnes pour le représenter dans le cas où il ne pourrait plus subvenir aux besoins de son animal pour cause de décès ou d’incapacité temporaire ou définitive (maladie, perte des facultés mentale…).

Ce mandat permettrait au mandataire de prendre légalement soin de l’animal désigné dans l’acte et pourrait prévoir une rémunération du mandataire (selon diverses formes).

Ce mandat prévoirait également les modalités de transfert de la garde ou de la propriété de l’animal au profit du mandataire (avec effet immédiat ou à terme)[6]. Ceci permettrait, notamment, de limiter les risques de conflits entre les héritiers, notamment si le mandataire n’était pas un membre de la famille du maître.

Adopté en un peu plus d’un mois par l’assemblée nationale en 1ère lecture, ce projet de loi est actuellement en examen devant le Sénat depuis le 29 janvier dernier.

 

[1] Article 515-14 du Code Civil crée par la Loi n°2015-177 du 16 février 2015. Précisons toutefois que l’article L.214-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait depuis longtemps que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

Le renforcement récent de la protection de la cause animale se retrouve également dans la jurisprudence. A ce titre, citons notamment l’arrêt Delgado du 9 décembre 2015 au sein duquel la Cour de cassation affirme qu’un chien « était un être vivant, unique, et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, dans une vocation économique ».

Que de chemin parcouru puisque, en 1964, cette même juridiction avait considéré la mise en place d’une disposition testamentaire visant à la protection de deux chats comme un signe de démence justifiant l’annulation de l’acte !.

[2] Ajoutons que l’article 528 du Code civil, listant les « biens meubles par nature », avait été modifié par la loi précitée de 2015 pour en exclure les animaux.

[3] Mandat qui autorise une personne à designer une personne de confiance en charge de le représenter personnellement et/ou patrimonialement pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison de perte de ses facultés – tutelle…

[4] Mandat qui permet à de désigner une personne de confiance chargée de prendre soin de son enfant, en général handicapé, dans le cas de son propre décès ou perte de faculté.

[5] Il est intéressant de noter l’emploi du terme « propriétaire », alors que les jurisprudences les plus récentes en matière de protection des animaux utilisent le terme de « maître ».

[6] En effet, un animal étant soumis au statut du droit des biens, toute personne pourrait appliquer la règle de l’article 2276 du Code civil qui dispose qu’« en fait de meubles, possession vaut titre (cet article prévoit ainsi que la « possession » de bonne foi d’un bien meuble équivaut purement et simplement pour son détenteur à un titre de propriété, sans pour autant disposer d’un quelconque document écrit).

Photo de M. Julien Dupré

Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :

Le PEA et le PEA-PME 2e édition

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Julien Dupré
Titulaire d’un master en gestion de patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et diplômé du Master « 223 – Droit du patrimoine professionnel » de ce même établissement, Julien DUPRE est juriste fiscaliste patrimonial au sein d’une Banque Privée.

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