Prévoyance complémentaire : suspension du contrat collectif d’assurance et indemnisation des salariés

Prévoyance complémentaire : suspension du contrat collectif d’assurance et indemnisation des salariés

S’il survient une incapacité de travail pendant la suspension des garanties du contrat collectif de prévoyance, aucune prestation n’est acquise au sens de l’article 7 de la loi Evin.

 

Lorsqu’un employeur, qui a souscrit un contrat d’assurance collective avec un organisme assureur relevant du Code des assurances, n’a pas acquitté la prime d’assurance dans les 10 jours de son échéance, l’assureur peut mettre l’employeur en demeure de régler. Cette mise en demeure fait courir un délai de 30 jours pendant lequel le contrat produit toujours ses effets. Cependant, à l’expiration de ce délai de 30 jours, les garanties du contrat sont suspendues pendant 10 jours, un dernier délai à l’issu duquel l’assureur peut résilier le contrat si les primes d’assurance restent impayées (article L. 113-3 du Code des assurances).

La loi n°89-1009, dont les dispositions sont d’ordre public, a pour objectif de renforcer les garanties offertes aux salariés et anciens salariés [1] couverts collectivement en matière de prévoyance. Son article 7 prévoit qu’un organisme assureur ne peut prendre prétexte de la résiliation du contrat pour arrêter le versement des prestations acquises ou nées durant son exécution.

L’articulation des ces règles a fait l’objet d’un litige entre un salarié et un assureur complémentaire d’incapacité de travail.

A l’origine de l’arrêt de la Cour de Cassation le 30 juin 2016 [2], un salarié a été victime d’un accident du travail dans la période suivant la suspension des garanties de prévoyance collective et précédant la résiliation du contrat d’assurance. Le salarié prétendait se voir reconnaitre l’application de l’article 7 de la loi Evin, au motif que le fait générateur de sa maladie est antérieur à la résiliation du contrat de prévoyance. Il devait en conséquence être pris en charge par l’organisme assureur. Mais l’assureur a refusé sa prise en charge, au motif que l’accident s’était réalisé pendant la période de suspension des garanties du contrat précédant sa résiliation.

Le Tribunal de Grande instance de Paris dans un jugement du 16 mai 2013 [3] a estimé que l’article 7 de la loi Evin est inapplicable. Cette solution est confirmée tant par la Cour d’Appel de Paris le 10 mars 2015 [4] que par la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation. Les tribunaux considèrent que pendant la période de suspension des garanties, précédant immédiatement la résiliation du contrat, aucune prestation n’a été acquise ou n’est juridiquement née avant la suspension ou la résiliation des garanties.

Les juges adoptent une interprétation littérale de l’article 7 de la loi Evin, défavorable au salarié. En effet, en l’espèce, la suspension des garanties, par application du Code des assurances, au terme du délai de 30 jours suivant la mise en demeure par l‘assureur, a pour conséquence que le salarié n’est plus garanti collectivement et ne bénéficie pas de prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant l’exécution du contrat. L’exécution du contrat étant suspendue, l’accident du travail n’est pas survenu sous l’empire du contrat d’assurance, il ne peut alors donner lieu à une prestation « différée » au sens de l’article 7 de la loi Evin.

Un salarié dans une situation comparable ne se retrouverait pas pour autant dénué de recours. Il peut engager la responsabilité contractuelle de l’employeur, sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (ex-article 1147 du Code civil) : l’absence de contrat d’assurance ne fait pas disparaître la dette de prévoyance de l’employeur envers le salarié. Cette responsabilité contractuelle est un contentieux relevant, cette fois, de la compétence du Conseil des Prud’hommes [5].

Texte paru dans la revue Personnel n°576 de février 2017

[1]  Garantis en application de l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale.
[2]  Cass. civ. 2e, 30 juin 2016, n°15-18.639.
[3]  TGI Paris, 2e, 16-05-2013, n° 10/07369.
[4]  CA Paris, 2, 5, 10-03-2015, n° 13/13903.
[5]  Cass. soc., 19 janvier 1999 n°96-44.688.

Par Yan-Eric Logeais,
Avocat à la cour, Counsel Gide Loyrette Nouel A.A.R.P.I.

En collaboration avec Francis Kessler

Photo de M. Francis Kessler

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