Opérations patrimoniales : le Code civil plus fort que le Code des impôts ? (partie 1/2)

Opérations patrimoniales : le Code civil plus fort que le Code des impôts ? (partie 1/2)

Il est un concept bien connu des étudiants en droit, celui de « l’autonomie du droit fiscal ».

Par deux décisions récentes, la Cour de cassation et le Conseil d’État réaffirment, au contraire, la primauté du droit civil dans le cadre de certaines opérations patrimoniales. 

Sous cet angle, nous analyserons dans un premier billet la situation d’un prêt familial requalifié en donation ; puis dans un deuxième, l’impact d’une clause de quasi-usufruit au sein d’une opération de donation-cession.

Le Code civil plus fort que le Code des impôts : l’exemple du prêt familial

La première affaire que nous analyserons concerne des prêts familiaux requalifiés en donations déguisées à l’aune du droit civil.

En l’espèce, une mère accorda six prêts familiaux à son fils sur une période de 14 ans. Ces prêts ne portaient pas intérêt.

Le fils ayant porté ces dettes au passif de son ISF, l’administration fiscale lui notifia une proposition de rectification : pour cette dernière, ces sommes n’étaient pas déductibles dans la mesure où les prêts devaient être regardés comme des donations, notamment en raison des liens familiaux entre les protagonistes, de l’âge de la prêteuse et de la non-stipulation d’intérêt.

Saisie du litige, la Cour de cassation vient de donner gain de cause à l’administration (Cass. Com., 8 février 2017, 15-21.366).

La Cour précise tout d’abord, au visa de divers articles du Code civil, qu’il est parfaitement loisible à un particulier de réaliser un prêt sans intérêt y compris au profit d’un proche, et que les liens familiaux entre l’emprunteur et le prêteur ne permettent pas, en soi, d’écarter la qualification de prêt.

La Cour rappelle ensuite qu’une donation est caractérisée, au sens de l’article 893 du Code civil, par l’intention libérale du donateur.

In fine pour qu’un prêt familial dissimule une donation, l’administration fiscale doit apporter la preuve de l’intention libérale du prêteur, compte tenu des circonstances de chaque situation.

En l’espèce, les liens familiaux des protagonistes et l’âge de la prêteuse au terme du premier prêt (99 ans) rendaient aléatoire le remboursement. De ce fait, l’intention libérale est reconnue, la Cour validant la requalification des prêts familiaux en donations déguisées.

Attention donc à la réalité juridique des opérations en matière de prêts familiaux !

 

Dans un deuxième billet, nous verrons comment la primauté du droit civil s’applique aux opérations de donations-cession en démembrement.

 

Ce billet ne saurait s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique. Il ne saurait remplacer un entretien personnalisé avec un conseil spécialisé.

 

Par Julien Dupré

Photo de M. Julien Dupré

Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :
Le livre PEA et PEA-PME
Le PEA et le PEA-PME

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