Si cela ne vaut pas un sou, cela vaut-il un potin ?

Si cela ne vaut pas un sou, cela vaut-il un potin ?

Cet été, un orage éclatant sur l’ouest de Londres permettait à une équipe de recherches archéologiques de mettre au jour un «trésor» celte. Les premières datations font remonter les artefacts découverts au Ier siècle avant J.-C. Parmi les artefacts, 300 pièces identifiées comme des « potins gaulois ». S’agissait-il de monnaies ? Elles en avaient l’apparence puisqu’elles étaient rondes comme de bonnes et loyales monnaies divisionnaires. Elles étaient frappées comme on en avait pris l’habitude depuis le roi Crésus.

Des monnaies bien lourdes et de belles tailles en tout cas puisque les fameux potins sont d’un diamètre de 3 cm, en alliage de cuivre, étain et plomb. On considère habituellement que les potins étaient surtout produits dans le nord des Gaules. Une curiosité : les potins ornés sur une face d’un Apollon, sur l’autre d’un bateau en cours de chargement, venaient d’ateliers marseillais. Ils étaient frappés alors que la plupart des potins découverts sont coulés.

Les spécialistes anglais ont apparemment du pain sur la planche car il n’est pas certain que ces pièces aient été des pièces de monnaie au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire des moyens de règlement dans le cadre de contrats formels ou d’échanges de tous les jours, sous l’œil bienveillant et vigilant d’un émetteur souverain.

La Gaule (et, a fortiori, les iles britanniques) dans les siècles qui ont précédé l’occupation romaine, n’était pas composée de tribus ou petits royaumes où les échanges monétaires étaient courants. L’or, l’argent et éventuellement l’électrum permettaient de conclure des traités, de payer des mercenaires et de régler des opérations de commerce international. A l’inverse, les monnaies en « vils métaux» pouvaient n’avoir d’autre utilité que celle d’offrandes ou de « trésors symboliques» dans des lieux sacrés.

Quel intérêt revêt une petite étude sur les « potins » ? Pourquoi ne pas leur concéder le statut privilégié de « monnaie » ? Tout d’abord pour les raisons qu’on a évoquées plus haut : si la Gaule n’était pas habitée par des peuplades incultes et sous-développées, si l’habileté industrielle et agricole de ses habitants était reconnue, si même, elle sut, pendant quelques temps, tenir la dragée haute à Rome et à ses légions, la pratique monétaire n’était en revanche pas son fort.

L’intérêt de ces « potins » est plus large : on aime, traitant de la monnaie, évoquer sa découverte aux temps anciens de la Grèce du VIe siècle à l’époque où les Lydiens inventèrent la monnaie « signée », c’est-à-dire des monnaies en or dont les caractéristiques « techniques » et fiduciaires étaient garanties par le souverain.

Il était des monnaies moins nobles. Pendant très longtemps, elles furent utilisées sous des formes diverses et des métaux variés. Le souverain ne s’en préoccupait pas, laissant à des corporations ou associations diverses le soin d’émettre ces monnaies et de les distribuer.

Les métaux dont elles étaient faites étaient fragiles, s’usaient très vite, les alliages se décomposaient. Au surplus, la production n’était pas homogène, poids, alliages, imageries pouvant largement différer.

Les potins n’étaient pas des monnaies au sens où nous l’entendons aujourd’hui : ils n’avaient pas de pouvoir libératoire et s’apparentaient à des jetons, des sortes de promesse de livrer des produits ou de les échanger sans que leur conversion répondît à des règles très précises.

Cela ne vaut pas un potin ? En tout cas, entre recevoir un potin et recevoir un Liard, le second, en Argent aurait été préférable. La preuve ? Il a duré plusieurs centaines d’années !

 

Par Pascal Ordonneau

Photo de M. Pascal Ordonneau

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Pascal Ordonneau
Pascal Ordonneau, banquier, a été DG et PDG de banques françaises, anglaises et américaines. Il est SG de l’Association « Iconomy ». Auteur d’une dizaine d’ouvrages parmi lesquels cinq livres d’économie et de finance, il est chroniqueur aux Échos, au Huffington Post et conférencier (monnaies cryptées et Allemagne).

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