La valorisation fiscale des contrats de capitalisation : la fin et le renouveau d’une incertitude ? (Partie 1/2)

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La valorisation fiscale des contrats de capitalisation : la fin et le renouveau d’une incertitude ? (Partie 1/2)

La valorisation fiscale des contrats de capitalisation est l’un des sujets les plus instables de ces dernières années.

Dans ce billet, nous verrons que de récentes jurisprudences semblent apporter une réponse définitive à la question du traitement fiscal applicable aux contrats de capitalisation en matière d’ISF.

Nous découvrirons ensuite dans un prochain billet comment une récente réponse ministérielle pourrait ouvrir la voie à une nouvelle période d’incertitude s’agissant des droits de mutations à titre gratuit.

Retour sur ces éléments.

L’évaluation des contrats de capitalisation

D’une manière générale, la valeur imposable des biens transmis en matière de droits de mutation à titre gratuit, successions et donations, est constituée par leur valeur vénale au jour du fait générateur de l’impôt (article 666 du CGI).

Concernant l’ISF, et sauf dispositions légales spécifiques, il convient de tenir compte de la valeur vénale des actifs détenus par le contribuable au 1er janvier de l’année d’imposition, valeur établie suivant les règles prévues en matière de mutation par décès (article 885 D et 885 S du CGI).

S’agissant plus spécifiquement des contrats de capitalisation, la valorisation à retenir diffère selon l’impôt concerné :

  • En matière de droits de succession et de donation, ces contrats sont traditionnellement taxés sur leur valeur vénale au jour de la transmission.

En effet, l’administration fiscale estime que ces contrats sont des créances à terme (au sens des articles 1185 et suivants du Code Civil ) dans la mesure où, nonobstant l’existence de facultés de rachats, ils sont souscrits pour une durée fixe (le plus souvent de 8 à 20 ans, généralement prorogeable par tacite reconduction). En conséquence, elle considère que doivent s’appliquer les dispositions de l’article 760 du CGI selon lesquelles  « pour les créances à terme, le droit est perçu sur le capital exprimé dans l’acte et qui en fait l’objet ». Concernant cette notion de « capital exprimé dans l’acte », l’administration juge qu’il s’agit de la valeur nominale des contrats, majorée des intérêts courus ainsi que de ceux échus mais non encore payés à la date de la transmission (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40-20120912, n° 60 et 120 ; RM Deprez n° 2020 – AN – 21/10/2002 et RM Mathieu n° 2372 – Sénat – 24/10/2002).

  • S’agissant de l’ISF, l’administration fiscale considère que les contrats de capitalisation, bien que soumis aux mêmes dispositions de l’article 760 du CGI, doivent être déclarés pour leur valeur nominale au 1er janvier de l’année d’imposition, à l’exclusion des intérêts courus ou non encaissés (c’est-à-dire uniquement à la valeur des primes versées). Notons que cette spécificité était d’abord présentée par l’administration comme une tolérance (réponses ministérielles précitées), puis comme une obligation (BOFiP BOI-PAT-ISF-30-50-20-20140121, n° 50 : « doivent être déclarés»).

Il est ainsi intéressant de noter que pour une même expression (le « capital exprimé dans l’acte » de l’article 760 du CGI), l’administration retient deux interprétations différentes.

Un contentieux portant sur la valorisation ISF des contrats en perte

Cette position administrative, avantageuse dans la mesure où elle permettait une non-imposition à l’ISF des gains latents du contrat de capitalisation, n’a pas ému beaucoup de monde, bien au contraire.

Toutefois, touchés par la baisse des marchés boursiers, et pas voie de conséquence par la baisse de la valeur de leurs UC, certains contribuables ont souhaité déclarer leur contrat « en perte » pour leur valeur de rachat, c’est-à-dire pour une valeur inférieure à la valeur nominale. Fidèle à sa doctrine, l’administration a rejeté ces demandes.

Face à ce refus, un contribuable a formé un recours en justice : il soutenait devant les juges que, compte tenu de la possibilité contractuelle d’effectuer des rachats, un contrat de capitalisation ne pouvait pas être qualifié de contrat à terme. Ce faisant, selon lui, son contrat devait être valorisé à sa valeur vénale pour le calcul de l’ISF (au regard des dispositions de l’article 758 du CGI selon lesquelles « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servant de base à l’impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties »).

Le TGI de Paris (13/03/2013, n° 11/13540) fit droit à sa demande, non sur le fondement de la qualification du contrat mais sur la compréhension à avoir de l’article 760 du CGI. Pour les juges, la durée d’un contrat de capitalisation est nécessairement fixe, malgré l’exercice possible d’une faculté de rachat : il ne peut donc s’agir que d’une créance à terme obligatoirement soumise aux dispositions de l’article 760. Toutefois (et c’est la particularité de ce jugement) le « capital exprimé dans l’acte » visé par cet article doit être interprété comme la valeur de rachat (« contre-valeur en euros du nombre d’UC ») et non comme la valeur nominale. In fine, ce contribuable était fondé à déclarer son contrat en perte pour sa valeur de rachat.

Cette décision fut infirmée par une décision très motivée de la cour d’appel de Paris (25/11/2014, n° 2013/07800). Pour cette dernière, un contrat de capitalisation est effectivement un contrat à terme soumis aux dispositions de l’article 760 du CGI, mais la rédaction de ce dernier ne doit pas être interprétée. Selon la cour, « rien ne permet de déroger à la règle édictée par l’article 760 du CGI dont il résulte que la déclaration de valeur doit être effectuée par le titulaire d’un contrat de capitalisation selon le montant des capitaux investis (valeur nominale) et non pas selon une valeur de rachat actualisée chaque année (c’est-à-dire sa valeur vénale) ; que rien n’autorise le redevable à prendre en compte les moins-values latentes sur les unités de compte des contrats de capitalisation».

La solution est claire : un contrat de capitalisation doit obligatoirement être soumis à l’ISF pour sa valeur nominale, sans prise en compte des moins-values latentes.

Notons que le pourvoi en Cassation formé par le contribuable contre cette décision d’appel fut rejeté (Cass. Com, 24/05/2016, n° 15-12182).

Lire l’article suivant : La valorisation fiscale des contrats de capitalisation : la fin et le renouveau d’une incertitude ? (Partie 2/2)

Par Julien Dupré

Photo de M. Julien Dupré

Ouvrages de Julien Dupré aux éditions Arnaud Franel :
Le livre PEA et PEA-PME
Le PEA et le PEA-PME

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