Le PER (price to earnings ratio, P/E ou rapport cours sur bénéfice) est un outil de valorisation connu des professionnels comme des profanes du monde de la finance.
Sa formule est simple :
Cours par action / bnpa (passé ou prévisionnel) = Capitalisation / Résultat net (passé ou prévisionnel)
Il est disponible sur tous les sites financiers et facilement compréhensible et applicable, d’où sa popularité. Il est un multiple de valorisation directe, c’est-à-dire qu’il valorise directement le capital de l’entreprise sans passer par la valorisation de l’actif économique. Il peut être établi sur une base historique ou prévisionnelle.
Valorisation de l’entreprise = PER de référence (secteur ou peer group) × résultat net retraité de l’entreprise à valoriser
• avec résultat net retraité = résultat net récurrent, sans résultat exceptionnel
Ses limites sont nombreuses.
4 limites sont listées dont une mérite un développement : l’impact de l’endettement sur la fiabilité du PER
- Une croissance supérieure au secteur justifie un PER supérieur, l’inverse est bien entendu exact (Voir le PEG).
- Une différence de taille et de liquidité entre la société prise en référence et la société à valoriser nécessite une décote.
- Le PER ne valorise pas la présence d’actifs hors exploitation (excédentaires). Il faut absolument ajouter ces actifs au montant des capitaux propres ainsi obtenus. En effet, le résultat de l’entreprise n’est pas affecté par le rendement parfois nul de ces actifs. Ne pas les comptabiliser, c’est sous valoriser injustement la société.
- L’endettement affecte négativement la valorisation. Le PER sera ajusté à la baisse pour tenir compte du risque accru avec l’effet de levier financier (effet de massue financier en cas de retournement conjoncturel). Le PER fait abstraction de la nature et qualité du bilan.
L’impact de l’endettement relatif
Un raisonnement par l’absurde va démontrer que cette décote est justifiée si l’endettement est excessif ou supérieur à celui du secteur pris en référence (ou à celui d’une société concurrente).
Soit 2 entreprises avec des actifs économiques (Valeurs d’entreprises VE) et une rentabilité économique comparables mais avec une structure de financement totalement différente. La première est fortement endettée (Dettes nettes / Capitalisation =1), la seconde est sans dette nette (100-100). Les bilans simplifiés sont valorisés en valeur de marché.
| Comparatif CdR | Société endettée | Société sans dette |
| EBE | 90 | 90 |
| Amortissements | 19 | 19 |
| REX | 71 | 71 |
| Charges financières | 20 | 5 |
| Résultat courant | 51 | 66 |
| IS (25%) | 13 | 17 |
| Résultat net | 38 | 50 |
| VE Société endettée | 600 | Capitalisation | 300 |
| Trésorerie | 100 | Dettes Financières | 400 |
| Total | 700 | Total | 700 |
| VE Société sans Dette | 600 | Capitalisation | 600 |
| Trésorerie | 100 | Dettes Financières | 100 |
| Total | 700 | Total | 700 |
| Comparatif | Société endettée | Société sans dette |
| ROCE brut | 12% | 12% |
| PER | 8 | 12 |
Comparaison entre 2 entreprises avec un actif économique comparable
On voit que la société endettée ne peut pas être valorisée avec un PER supérieur à 8. Imaginons que la société endettée soit valorisée avec un PER de 12, alors la valorisation des capitaux propres serait égale à : 12 x 38 = 456. Le bilan en valeur de marché serait alors totalement déséquilibré car aucun ajustement sur la valeur de marché de l’actif économique (VE) n’est possible. Il doit rester valorisé à 600, la valeur commune aux 2 sociétés.
Un endettement supérieur semble donc justifier un PER relativement plus faible que celui du marché ou du concurrent non ou moins endetté.
Conclusions
Avant de tirer des conclusions hâtives sur d’éventuelles sous ou sur-valorisations, il est indispensable d’utiliser des multiples complémentaires comme le multiple d’EBE, le multiple de flux de trésorerie disponible ou le multiple VE/CA HT (afin de corriger les faiblesses de chaque famille de multiples et d’obtenir une vision panoramique de l’entreprise) et de tenir compte de l’endettement relatif. On ne peut toujours parier sur l’inefficience des marchés, un PER faible est souvent parfaitement justifié. Il faut mener sa propre enquête et ne pas négliger l’endettement comparatif dans tout exercice de valorisation. Le PER, même prospectif, est un indicateur utile mais largement insuffisant dans une analyse financière. Il faut voir l’entreprise dans sa globalité et comprendre son marché.
Yannick Coulon