Il y a encore quelques semaines, l’ambiance était à l’optimisme prudent. Porté par une dynamique institutionnelle toujours soutenue et des flux importants vers les ETF, le Bitcoin s’offrait un nouveau sommet historique au-delà des 125 000 $. Dans son sillage, c’est l’ensemble de l’écosystème crypto qui semblait vouloir entamer une phase de consolidation solide, malgré la fragilité persistante des altcoins.
Mais l’accalmie a été de courte durée. Le 10 octobre dernier a marqué un tournant brutal : en l’espace de quelques heures, les marchés ont connu l’un des plus forts épisodes de liquidation jamais enregistrés. Le Bitcoin a perdu plus de 20 % pour retomber sous les 85 000 $, entraînant une nouvelle vague de baisse sur les actifs secondaires. De quoi semer le doute, même parmi les plus convaincus.
Alors, que penser de ce retournement ? Signe d’une fin de cycle ou simple respiration dans un marché en construction ?
Dans cette édition, nous analysons deux scénarios opposés – l’un baissier, l’autre plus favorable – avant de revenir sur ce qui, dans une logique de gestion patrimoniale, reste l’essentiel : comprendre les cycles, savoir prendre du recul, et ajuster ses décisions avec méthode.
Pourquoi la baisse pourrait-elle encore durer ?
Un climat géopolitique et macroéconomique encore instable. Le contexte international reste particulièrement tendu, ce qui pèse lourdement sur le sentiment de risque global. À ces incertitudes héritées des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient s’ajoute désormais la montée des tensions autour de Taïwan. Les enjeux diplomatiques et militaires accentuent l’aversion au risque et favorise naturellement la prudence des investisseurs, qui limitent leur exposition aux actifs volatils.
À cela s’ajoute un contexte monétaire encore restrictif : les taux d’intérêt réels demeurent élevés dans la plupart des grandes économies, ce qui continue de rendre les actifs traditionnels attractifs. Même au Japon – longtemps symbole des politiques accommodantes – la Banque centrale a entamé un changement de cap progressif, créant des mouvements de flux financiers peu favorables aux marchés à risque. Tant que les taux restent hauts et que le coût du capital demeure tendu, les cryptomonnaies évoluent dans un environnement structurellement moins porteur.
Contrairement à ce que l’on a souvent entendu ces derniers temps, nous ne sommes pas dans un krach cyclique. La performance du Bitcoin sur l’année reste proche de l’équilibre (environ – 4 % en dollar), avec un point haut enregistré fin octobre. Face aux dernières incertitudes, les capitaux se concentrent désormais sur les actifs jugés robustes : principalement le Bitcoin (et Ethereum à un degré moindre) dans un marché sélectif où la prudence a remplacé la frénésie des cycles précédents. Cela traduit un marché plus mature, où les excès se corrigent et où la patience redevient une vertu.
Le calendrier ne ment jamais (ou presque).
Difficile de parler de Bitcoin sans évoquer ses fameux cycles. Depuis plus d’une décennie, une étrange régularité semble rythmer ses mouvements de marché : à chaque halving (c’est-à-dire tous les quatre ans, lorsque la récompense des mineurs est divisée par deux) suit une phase haussière culminant environ un an plus tard. Ce schéma s’est répété en 2013, 2017, puis 2021, comme une mécanique bien huilée.
Le dernier halving ayant eu lieu en avril 2024, certains observateurs guettaient donc la fin de l’été ou le début de l’automne 2025 comme une fenêtre théorique pour un nouveau sommet. Et il faut bien reconnaître que le pic observé en mai dernier au-delà des 125 000 $ pourrait cocher cette case, du moins en apparence.
Faut-il y voir une prophétie autoréalisatrice ou un simple hasard statistique ? Difficile à dire, tant le marché reste jeune et les cycles peu nombreux pour tirer des lois solides. Mais dans un univers où les émotions jouent un rôle aussi fort que les fondamentaux, cette régularité apparente alimente les convictions et parfois les espoirs des investisseurs de long terme. Une chose est sûre : ces repères temporels, même imparfaits, continuent de structurer les anticipations du marché.
Pourquoi rester optimiste malgré tout ?
S’il y a bien une constante dans l’univers des crypto-monnaies, c’est qu’il ne faut jamais tirer de conclusions hâtives. Derrière les turbulences actuelles, plusieurs signaux permettent d’envisager une reprise, sinon rapide, au moins structurelle, du marché à moyen terme.
Les institutions renforcent leur présence sur le Bitcoin.
Si 2024 avait marqué un tournant dans l’intérêt des investisseurs institutionnels pour le Bitcoin, porté notamment par le lancement des premiers ETF et ETP ayant drainé plusieurs dizaines de milliards de dollars, l’année 2025 en a apporté la confirmation. Les flux vers ces produits se sont maintenus à un rythme soutenu, tandis que de plus en plus de sociétés cotées ou de fonds spécialisés choisissent d’intégrer le Bitcoin directement dans leur allocation stratégique. Pour ces acteurs, il ne s’agit plus d’une prise de position opportuniste, mais d’une approche de long terme, fondée sur les fondamentaux du Bitcoin : sa rareté programmée, sa liquidité croissante et son rôle potentiel de couverture face à l’érosion monétaire.
Un changement de politique monétaires aux USA.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a récemment amorcé une inflexion de sa politique monétaire, en annonçant une réduction progressive de son programme de resserrement quantitatif (Quantitative Tightening, ou QT). Concrètement, cela signifie que la Fed va ralentir le rythme auquel elle réduit la taille de son bilan – c’est-à-dire qu’elle cesse progressivement de retirer de la liquidité du système financier.
Cette décision, bien qu’attendue, constitue un signal fort : après une période marquée par une politique monétaire restrictive pour lutter contre l’inflation, la banque centrale semble ouvrir la voie à un environnement plus accommodant. Et cela pourrait bien redonner de l’élan aux actifs dits « risqués », comme les actions technologiques, les marchés émergents… et bien sûr, les cryptomonnaies. Historiquement, les périodes de création monétaire ou de relâchement des contraintes de liquidité ont souvent coïncidé avec des phases haussières pour le Bitcoin.
Conclusion : penser long terme, agir avec méthode.
Difficile de prédire avec certitude si le marché repartira prochainement ou si la phase de repli se prolongera. Ce que nous savons en revanche, c’est que le Bitcoin reste, par nature, un actif volatil — et que cette volatilité s’exprime dans les deux sens. Après plusieurs années de hausse quasi ininterrompue, il est donc logique, et même sain, d’assister à des phases de respiration, parfois brutales. Dans ce contexte, de nombreux investisseurs – particuliers comme institutionnels – ont choisi de sécuriser une partie de leurs plus-values. Cela a mécaniquement enclenché un effet de chaîne classique dans l’écosystème : baisse des prix, montée de l’incertitude, accélération du repli. Ce mouvement, aussi classique qu’inconfortable, rappelle que sur les marchés, les émotions collectives jouent souvent un rôle aussi fort que les fondamentaux.
Faut-il s’en inquiéter ? Non.
Mais faut-il l’ignorer ? Encore moins.
Pour ceux qui sont en gain, cette période est l’occasion de se poser les bonnes questions : faut-il alléger une partie de l’exposition ? Faut-il sécuriser des profits accumulés depuis plusieurs mois ? Pour d’autres, cette baisse peut être vue comme une opportunité à surveiller : si certains niveaux techniques ou psychologiques sont atteints, pourquoi ne pas envisager une réexposition partielle ou progressive ? Dans tous les cas, c’est une décision qui se mûrit, se structure, et s’inscrit dans une stratégie de long terme.
C’est précisément là que notre rôle prend tout son sens : vous accompagner dans la lecture des mouvements de marché, mais surtout dans l’arbitrage de vos positions, au regard de vos objectifs patrimoniaux. N’hésitez pas à nous contacter pour faire le point sur votre allocation.
Thomas Butteau
thomas.butteau@patrimentoconseil.fr