On notera que ce cas de l’achat et de la vente de biens immobiliers « tokenisés » n’est pas le seul cas d’application des NFT et d’une blockchain à l’immobilier. Très tôt, bien avant que l’idée même de NFT ait fait son apparition, l’application de la blockchain aux fonctions cadastrales a été envisagée. On sait, en effet, que dans de nombreux pays les cadastres sont au pire inexistants au mieux incomplets ou manipulables sans contrôles ni, a fortiori, sanctions. Ces insuffisances ont des effets négatifs sur les investissements immobiliers qu’il s’agisse d’immobilier agricole ou commercial ou résidentiel. Quelques projets ont donc été lancés pour que les limitations et contraintes cadastrales soient inscrites dans des blockchains. Ces projets introduisaient l’idée que chaque lot cadastral serait représenté par un token. De là à admettre qu’ils pourraient faire l’objet d’échanges sur des places de marchés ad hoc…On a vu ce qu’il en était dans un précédent article.
Dans un tout autre ordre d’idées, de même que l’art numérique peut se présenter sous forme de fichiers inscrits dans une blockchain, de même des biens dits « immobiliers » ont été conçus pour être vendus dans le monde virtuel des Métavers .
On va voir que l’imagination a été au pouvoir, comme dans le cas de l’art, et que la monétisation du produit de cette imagination a suivi !!!
L’application des NFT « immobilier » est une des nombreuses particularités des metavers. The Sandbox, Decentraland, Cryptovoxels ou encore Somnium Space sont des noms qui sont devenus incontournables dans ces nouvelles propositions « numériques » que sont les métavers. Ils proposent des territoires dans lesquels les avatars de leurs utilisateurs peuvent se déplacer et participer à des activités individuelles ou collectives. On y achète dans des boutiques virtuelles des biens virtuels avant, pourquoi pas, de se rendre dans une salle de spectacle où se produisent les avatars d’un groupe de chanteurs.
Mais on peut aussi désirer y demeurer virtuellement et pour cela disposer d’une maison (ou d’un château ou d’une hutte) installée sur un terrain. Dans le monde des métavers ce seront des slots ou des lands.
Pour pouvoir installer son pavillon « sam’suffit » il faudra acquérir un terrain. Ils sont plus ou moins rares selon les Métavers : les prix sont susceptibles de varier selon la loi de l’offre et de la demande. C’est ainsi qu’un des leaders dans ce domaine, the Sandbox, ne propose que 160 000 parcelles et n’est pas décidé à aller plus loin. La demande a été très forte et le prix des parcelles de the Sandbox a grimpé à une vitesse fulgurante.
En mars 2021, Bloomberg relevait que le prix des terrains virtuels avait considérablement grimpé : une parcelle de terrain sur Decentraland a triplé en un an et pour un terrain dans le metavers Cryptovoxels, au tout début 2021, le prix est passé de 821 $ à 3 895 $.
On a assisté à des mouvements de prix très particuliers : un célèbre rappeur ayant acquis des parcelles dans un métavers, les utilisateurs de ce dernier se sont précipités pour acheter les parcelles (c’est-à-dire les NFT) adjacentes et ainsi profiter en première ligne des éventuelles apparitions et manifestations de son avatar !
La leçon de cette histoire est que le prix des NFT pour des parcelles de terrain n’est pas homogène, le promoteur d’un métavers peut dessiner dans cet univers, non seulement des parcelles (qui seront très géométriques) mais aussi des routes, des carrefours et autres utilités publiques, qui ne seront pas à vendre mais, dont la proximité aura des effets sur la valeur des parcelles adjacentes (tout comme dans le monde réel le prix de l’immobilier est influencé par la localisation, la proximité d’éléments urbanistiques (parcs, musées, stades, salles de théâtre ou de cinémas).
On a indiqué que dans les métavers les avatars des utilisateurs désirent mener une vie normale d’achats en tous genres, de spectacles etc. Pour profiter de la manne que devaient représenter tous les avatars en promenade dans les différents métavers, de grandes marques commerciales, de vêtements, parfums, chaussures et autres biens de consommation, ont voulu acquérir des terrains pour y installer des boutiques virtuelles destinées à vendre des biens virtuels (sous forme de NFT) Une véritable compétition entre marques a conduit à faire évoluer les prix à la hausse. Gucci, Louis Vuitton, Nike etc ont investi des sommes significatives pour être là où l’évènement paraissait animé : bien achalandé aurait-on dit dans l’ancien monde.
Il faut reconnaître que jusqu’à mi-2022 le résultat a dépassé toutes les espérances des créateurs de Métavers : Yuga Labs lançait cette année-là, une vente de terrains liés à un projet de métavers et récoltait quelque 320 millions de dollars. En quelques heures.
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel : en 2023, un commentateur parlait de la « Bérezina » du marché des « NFT immobiliers ». La débandade des valorisations de NFT n’a pas été réservée aux « NFT artistiques » comme on le montre dans la question sur l’effondrement du marché de cet actif numérique.